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samedi 20 janvier 2018

Polissonneries

Les polissons, hier, aujourd'hui, et demain


Dostoïevski consacre un chapitre de ses Démons à décrire les actes d'un groupe occulte, « les nôtres », qu'il appelle aussi (en traduction) « les polissons ».
Ces actes, dont on apprend ensuite qu'ils ont été programmés et mis en scène par leur leader Verkhovenski, et constituent une entreprise révolutionnaire, consistent en un sabotage d'allure comique, même si c'est un comique grinçant, de la fête culturelle donnée par la femme du gouverneur. Tout tourne mal dans cette fête, depuis le début, jusqu'à une confusion grandissante, pratiquement une émeute, tant le « public » est la véritable cible de l'action menée: le peuple doit contribuer, sans comprendre qu'il est manipulé, à déstabiliser le pouvoir.
Le mépris du peuple fait partie de la stratégie. Puisque son rôle lui est dévolu sans qu'il le sache, il ne sert que de masse de manœuvre dans l'entreprise de sape par l'absurde menée par les polissons.
Ridiculiser tue, le prestige du gouverneur est pris par le défaut de la cuirasse: la sottise irresponsable de sa femme, libérale, acquise aux « idées avancées », amie des arts et des lettres sans distance critique, victime de sa candeur idéaliste.
Les polissons encerclent le pouvoir local, celui du gouverneur de la province, en l'infiltrant. Verkhovenski fait partie du comité organisateur, il a acquis la confiance de la femme du gouverneur, il a tout pouvoir sur le déroulement de la fête. Il est donc dans une position double, un double jeu, à cheval sur les deux mondes, celui qu'il veut détruire, et celui qui émerge, le camp des révolutionnaires. Plus exactement, il entreprend de détruire un monde qu'il a su infiltrer, il en est, mais il le hait.
La fable de l'auteur vaut pour la Russie pré-révolutionnaire, elle a aussi une portée posthume et vaut pour notre époque, où ceux qui agissent encore en vue de « la révolution » manipulent les « masses » dans le cadre de la démocratie, s'insèrent dans l'élite au pouvoir et la phagocytent du dedans. C'est le fameux « entrisme » des trotzkystes, jamais abandonné même lorsqu'ils se disent « socialistes », « la gauche » etc. Ils entrent dans des institutions qui ne résistent pas à leur intrusion, et qui implosent dans de brefs délais. Les exemples ne manquent pas tout près de nous, le PS, le PC, l'assemblée nationale où ils font les « polissons » et tournent en dérision le débat des députés élus. Ils géreraient bientôt les prisons pour retourner le personnel et embrigader les détenus, cette « masse pré-révolutionnaire » qui servirait de bélier lancé contre la république laïque, dont ils ont aussi retourné le nom. Leur ancêtre le faisait depuis sa forteresse Pierre et Paul, le fameux Netchaiev, qui a inspiré les bolcheviks à une génération de distance.