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dimanche 4 février 2018

le paysage est bizarre

Dessiner des paysages: Un empilement vertical!  Des couches collées l'une au-dessus de  l'autre, mais qui ne collent pas ensemble, le gazeux du ciel, le linéaire de  l'horizon qui cahote et bascule, et là-dessous, du foncé, du clair, des taches d'eau, un changement d'échelle à mesure qu'on descend.
Hegel a eu ce mot brutal au sujet d'un paysage de montagne, avec des glaciers: "c'est comme ça", alors qu'avec le portrait, la nature morte, ou le sujet historique, l'idée de dire "c'est comme ça" ne lui serait pas venue, puisque dans tous ces cas, l'homme y est pour quelque chose. Mais les cieux, les reliefs, les accidents du sol, sont là sans qu’on les aie voulus.
Le paysage se fout de nous, il est là, et on en est comme dévastés. Le fait d'être tout bêtement éclate davantage que dans les cas où être est notre propre fait
Le ciel qui occupe la partie haute du papier ou de l'écran, voilà ce qui nous échappe le plus, au point d'avoir conçu des dieux qui siègeraient là-haut. Le ciel, partout, ajoute une note d'étrangeté à des paysages à notre échelle, urbanisés, cultivés, qui sentent l'homme et de ce fait, semblent à nous. Le couvercle changeant des cieux vient menacer les surfaces familières, leur rendre leur précarité, comme cela apparaît en pleine lumière lorsque ces cieux se déchaînent et arrachent tout: vents, pluies diluviennes, foudre, ces phénomènes "naturels" qui ont été tenus avant tous les autres pour un signe des colères des dieux. Superstition, mais au moins on admet dans ces croyances que quelque chose n'est pas nous ni de nous, au point que c'est ce "nous-mêmes" qui nous apparaît enfin avec sa propre étrangeté
Le sentiment qui consonne avec ce paysage souvent tumultueux, jamais longuement paisible, ce n'est pas "le sublime", beauté dérangeante, trop grande pour nous, c'est l'effroi. Il commence avec le choc  initial, "voir le jour", venir au monde... même si nul ne s'en souvient. La force de cette expérience ne se voit pas en direct comme remémoration, mais dans des allégories qui en restituent la violence, et en font un déchirement davantage qu'un dévoilement. Ainsi, les dieux successifs des civilisations orientales condamnent et exécutent le monde douillet de la vie utérine en faisant brusquement la lumière, ils créent d'un coup le soleil qui vient tout illuminer, qui fait sortir le monde à la fois de sa pénombre et de son calme protecteur.
On parle des paysages de rêve,  on ferait mieux de tenir compte aussi, parfois, d'un élément plus dérangeant: les paysages sont des cauchemars!

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